Photo : Aurélie Desgens, Maison Lecourt. 1735
Une quantité impressionnante d’objets mis au jour à Place-Royale a été analysée par les archéologues. Matériaux, formes et décors sont passés sous la loupe des chercheurs. Ils peuvent aujourd’hui affirmer que le minuscule comptoir de traite qui naît sur la pointe de Québec entre 1603 et 1635 se transforme rapidement en un haut lieu de commerce.
Les recherches ont aussi contribué à mieux cerner la nature des produits échangés et à documenter les réseaux commerciaux qui se déploient sur l’ensemble du territoire nord-américain dès le 17e siècle.
Majoritairement fabriqués en Europe et en Asie, les produits arrivés par bateau sont déchargés sur les quais bordant Place-Royale. Les marchandises sont ensuite placées dans les caves des maisons des marchands, puis dans des entrepôts plus vastes. Elles sont vendues sur place ou redistribuées sur le territoire de la Nouvelle-France et même au-delà.
Boutique de fourrures
Illustration tirée de Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux, et les arts méchaniques, avec leur explication, Paris, chez Briasson et al, 1762, tome IV. Musées de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec, fonds ancien. Photo : Jacques Lessard, SQ029083
La mode est aux chapeaux de castor. Les bateaux repartent vers la France avec des cargaisons pleines de fourrures prisées par les chapeliers européens.
Sceau de commerce
MCC/LRAQ, photos : Marc-André Grenier
Site patrimonial de l’Habitation-Samuel-De Champlain. 17e et 18e siècles
Sceau en plomb pour marchandise, France. Inscription : PIERRE MARIETTE PÈRE ET FILS DE MONTAUBAN / 2450. Tout en attestant que les droits de douane ont été payés, les sceaux identifient le nom du marchand, la ville d’origine ainsi que la quantité ou la qualité de la marchandise.
Il est étonnant de constater la grande distance qu’ont parcouru ces sept objets découverts à Place-Royale, en provenance de l’Amérique du Sud, de différents pays d’Europe et même d’aussi loin que de la Chine.
Objets trouvés à Place-Royale et leur provenance
Plat de service
MCC/LRAQ, photo : Aurélie Desgens
Latrines de la maison Dumont. Vers 1700-1759
Porcelaine fine dure, Chine. Décor de fleurs, de feuillage et de faisans en émail polychrome. Dépositaires d’une longue tradition, les artisans chinois se sont rapidement adaptés aux goûts des Européens pour les produits destinés à l’exportation. Les Européens ont mis longtemps à découvrir le secret de fabrication de la porcelaine. Pour cette raison, 96 % des porcelaines de la collection de Place-Royale sont d’origine chinoise.
Cruche
MCC/LRAQ, photo : Catherine Caron
Latrines de la maison Leber. Vers 1725-1750
Grès grossier rhénan brun, Frechen, Westphalie, Allemagne.
Cuvette
MCC/LRAQ, photo : Aurélie Desgens
Latrines de la maison Leber. Vers 1675-1760
Faïence blanche, Muel, Espagne. Cuvette portant un décor « a compendiaro » fait de fleurs stylisées peintes en polychromie.
Assiette
MCC/LRAQ, photo : Aurélie Desgens
Cour intérieure de la maison Dumont. Vers 1700-1750
Faïence blanche, Delft, Hollande. Décor peint en camaïeu de bleu à l’intérieur. Au centre, un perroquet
sur une branche. Ce type d’assiette a fait la renommée des artisans de Delft dès la décennie de 1690. Toutefois, il parvient en Nouvelle-France après 1714, à la fin de la guerre de Succession d’Espagne.
Jarre pharmaceutique
MCC/LRAQ, photo : Marie-Annick Prévost
Maison Gaillard-Soulard. Vers 1700-1750
Faïence blanche, Angleterre. Décor peint en camaïeu de bleu avec représentation d’un panier de fruits, d’un oiseau et d’une tête de chérubin. Elle a pu contenir des préparations telles que des électuaires (mélanges de poudre et de miel) et des onguents. Le rebord accentué permet de sceller l’ouverture au moyen d’un parchemin ou d’une peau de vessie d’animal.
Monnaie
MCC/LRAQ, photo : Aurélie Desgens
Maison Lecourt. 1735
Monnaie en alliage cuivreux, Brésil. Cette pièce d’une valeur de 20 réis, est frappée au nom de Jean V, roi du Portugal. Les objets de métal composent 8 % de la collection de Place-Royale.
Assiette
MCC/LRAQ, photo : Aurélie Desgens
Maison Guillaume-Estèbe. Vers 1753-1800
Faïence blanche, Rouen, France. Parmi les faïences trouvées à Place-Royale, 68 % proviennent de France dont Rouen est le centre de production le plus important.
Aux 17e et 18e siècles, les colonies françaises, les Antilles et la Nouvelle-France n’existent que pour participer à l’enrichissement de la France. Québec n’est alors qu’un maillon dans la chaîne d’un commerce international régi par de grands principes mercantiles et… par sa métropole. La France exige l’exclusivité du commerce avec les pays d’Europe et d’Asie.
Un «commerce triangulaire» se déroule entre la France, la Nouvelle-France et les Antilles françaises.1
Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, carte Andrée Héroux.
Les matières premières doivent prendre la direction de la France pour y être manufacturées, tandis que les colonies sont un débouché lucratif pour les produits finis de la métropole.
Les marchands sont nombreux, les rivalités aussi. Domiciliés ou représentants de riches et puissants grossistes se livrent une forte concurrence. C’est sans compter les capitaines de navire qui s’improvisent commerçants et même le roi qui jouit de droits de vente exclusifs aux membres de l’armée royale. Il prive ainsi les marchands locaux de bénéfices importants. Sans oublier le trafic clandestin avec les colonies anglaises.
Le parfait négociant
Illustration tirée de Jacques Savary, Paris, chez veuve Estienne & Fils, 1645. Page frontispice. Musées de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec, fonds ancien. Photo : Jacques Lessard. SQ047401
Dès le 17e siècle, à l’avant-garde de la mondialisation, Place-Royale devient lieu de commerce et de vente des produits d’une métropole d’abord française, puis, britannique. Au tournant des années 1960, le ministère de la Culture et des Communications entreprend un vaste chantier de restauration de la Place-Royale pour lui redonner son apparence du Régime français. La fréquentation touristique croissante assurera la pérennité de la vocation commerciale du lieu.
Toutefois, retour du balancier, les commerces de Place-Royale ne sont plus destinés à écouler les marchandises des métropoles. Des artisans d’ici… ont aujourd’hui le monopole!
Marché de la basse-ville de Québec
Illustration tirée de George M. Grant. Pittoresque Canada : The country as it was and is. Toronto, Belden Bros. (1882). Musées de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec, fonds ancien. Photo : Jacques Lessard, SQ005561
Sous le Régime français, les stocks des magasins de Place-Royale se composent à 97 % de biens importés. Des produits pour s’outiller, se vêtir, se nourrir, se loger et se divertir.
1 Pintal, Jean-Yves, Jean Provencher et Gisèle Piédalue. AIR- Territoire et peuplement, Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2015, p. 137 (Collection Archéologie du Québec)
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